Homélie de l’Abbé Christian Delarbre pour le jour de Pâques

Homélie de l’Abbé Christian Delarbre pour le jour de Pâques

Homélie de l'Abbé Christian Delarbre pour le jour de Pâques 1ère partie

La Parole de Dieu vient rejoindre chacun là où il se trouve et résonne étrangement en ces jours. Elle a des échos nouveaux, elle lance des lumières inattendues, on peut y découvrir des aspects sans doute jusqu’alors négligés, et sa puissance révélatrice n’en est que davantage manifestée.
Une de ces lumières m’est inspirée par le beau message fraternel que le grand rabbin de France a adressé aux catholiques ces jours-ci. Voulant nous consoler de ne pouvoir nous réunir pour fêter Pâques, il nous rappelle que Jésus a célébré la Pâque juive et que cette Pâque est une liturgie domestique. Pour le peuple juif, le repas pascal est en effet célébré par la famille à son domicile et elle est ainsi célébré en ces mêmes jours par nos frères juifs, que nous saluons. L’aspect domestique de la Pâque juive est en effet bien présent dans les textes de la liturgie de ces jours.
Lors du Jeudi saint, c’est dans la salle haute, dans un domicile privé, que Jésus lava les pieds de ses disciples, partagea son dernier repas, bénit la coupe et le pain. Aujourd’hui, jour de la résurrection, les apôtres sont enfermés chez eux, deux d’entre eux en sortent, courent jusqu’au tombeau avant de retourner se cacher… Et lorsque plus tard saint Pierre témoignera des jours du ressuscité, il dira comme nous venons de l’entendre : « nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts ». Et certes, ce n’était ni sur les places publiques, ni dans de grandes basiliques. Les apôtres et d’autres disciples sont-ils pas en effet restés confinés chez eux par la peur, les portes de leur maison verrouillée, et cela durant cinquante jours après Pâques, jusqu’à la Pentecôte? Et même durant les premières années et décennies de la prédication chrétienne, les disciples se réunissaient à leur domicile et y célébraient les saintes agapes, le repas du Seigneur, au cours duquel ils bénissaient la coupe et le pain. Et cela dura jusqu’à ce qu’ils soient trop nombreux pour le faire, et dans les temps où ils n’étaient pas persécutés.
Ainsi, mes amis, en ces fêtes de Pâques, vous, les fidèles du Christ et les témoins du ressuscité, célébrez le Seigneur dans vos maisons. Vous qui êtes baptisés et revêtus du sacerdoce royal, offrez chez vous pour le monde le sacrifice spirituel. Redécouvrez ce qu’il ne faudrait pas avoir oublié, que vous êtes les ecclesiolae, les petites églises, les églises domestiques, l’église à la maison – les pierres vivantes de l’unique et grande Église du Ciel et de la Terre. Et comme nos aînés dans la foi, comme Jésus au temps de sa Pâque, comme les apôtres au temps de la résurrection, et comme les premiers chrétiens, célébrez le Seigneur dans une véritable liturgie domestique. Mangez et buvez avec le ressuscité et puisez dans la tradition spirituelle de l’Eglise pour le célébrer de toutes vos forces.
Réunis aujourd’hui chez vous autour de la table pascale, ornée de fête par chacun d’entre vous, éclairée de bougies et de cierges, car elle accueille le Seigneur en votre domicile, chantez les psaumes et les cantiques, chantez l’alléluia au Seigneur. Lisez le témoignage des apôtres, c’est à dire un des récits de résurrection. Intercédez pour le monde, pour vos voisins, pour vos proches, pour les vivants et les morts, pour le monde dans l’épreuve et dans le doute. Ensuite, que chaque membre de la famille ou de la communauté rende grâce autant qu’il le peut. Enfin que l’un d’entre vous bénisse le repas que vous prendrez dans la joie pascale! Puissiez-vous faire ainsi durant cette octave, puis chaque dimanche du temps pascal, jusqu’à ce qu’à la Pentecôte, s’il plaît à Dieu, vous puissiez sortir de vos cénacles, descendre de la chambre haute et, poussés par une nouvelle effusion de l’Esprit, retrouver tous vos frères et sœurs en humanité. Renouvelés dans la mission par cette expérience, vous leur annoncerez la joie du Christ ressuscité que vous aurez si fortement éprouvée durant ces jours saints.

Homélie de l'Abbé Christian Delarbre pour le jour de Pâques 2ème partie

Il est cependant un deuxième aspect de la Parole de Dieu qui résonne de façon nouvelle en ces jours de Pâques. A l’instar de nombreuses familles endeuillées ces jours-ci, la mère de Jésus, le disciple que Jésus aimait, les saintes femmes et Joseph d’Arimathie ont recueilli le corps brisé de leur maître et l’ont déposé dans un tombeau à la va-vite, sans rite, sans réunion de ses proches, rien. Et si Marie Madeleine retourne au tombeau ce matin-là, c’est parce qu’elle en a été empêchée durant le jour du sabbat, et qu’elle voudrait honorer dignement celui qui y fut déposé sans cérémonie, en vitesse, en catimini. Dans les évangiles de Luc et de Marc, il est précisé que les saintes femmes retournent au tombeau ce matin-là, pour compléter la sépulture de Jésus par des onctions… La douleur d’un deuil si cruel est ainsi augmenté par cette précipitation indigne et par la malédiction attachée aux morts sans sépultures et aux cadavres décrochés du gibet… Et Jésus fut ainsi enseveli en cachette comme le sont aujourd’hui des milliers d’hommes et de femmes défunts, des pères, des mères, des proches, des amis.
Puisse donc l’espérance folle qui étreint les deux disciples devant le tombeau vide venir rejoindre tous ceux qui sont, comme eux, non seulement éprouvés par un deuil, mais désespérés par la cruauté de ces sépultures incomplètes.
Puisse cette espérance folle qui prit au coeur ceux qui virent la pierre roulée, étreindre les saintes femmes et les Nicodème et les Joseph d’Arimathie d’aujourd’hui, celles et ceux qui dans nos hôpitaux lavent les corps des malades, sont les seuls témoins des derniers instants des mourants et voilent d’un linge les visages des morts que leur proches ne reverront pas.
Puisse l’espérance folle de ceux qui entrèrent ce matin-là dans la nuit du tombeau vide, venir dissiper les obscurités dans lesquelles se débattent aujourd’hui ceux qui sont privés de ressources, nos vieux parents enfermés dans les maisons de retraites, et ceux qui craignent pour leur santé tout en assurant notre survie par leur humble travail.
Que le signe du tombeau vide et de ces linges laissés là soit pour les uns, et pour les autres, et pour nous tous qui en sommes témoins, un signe lumineux qui les embrasent tous d’espérance : « Et si c’était vrai ? Et s’il est vivant comme il l’avait promis ? Et si la mort avait été vaincue ? Et si en Lui nous trouvions la Vie ? ».

Alléluia, Christ est ressuscité,
Il est vraiment ressuscité, Alleluia!